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« Nombre de nos patientes et patients ont des soucis financiers »

La protonthérapie est une radiothérapie qui épargne particulièrement bien les tissus avoisinants, mais elle n’est disponible en Suisse qu’à Villigen. De nombreuses personnes touchées ont donc des frais de déplacement et d’hébergement à payer de leur poche. Cela représente souvent une charge pour toute la famille, constate Barbara Bachtiary, radiothérapeute.

Barbara Bachtiary dans la salle où de jeunes patient-e-s attendent leur traitement par radiothérapie.

Comment avez-vous eu l’idée d’étudier les effets secondaires financiers de la protonthérapie ?
Tout a commencé il y a quelques années, lorsque j’ai remarqué un jeune patient de 16 ans qui était toujours seul dans la salle d’attente. Quand je lui ai demandé où étaient ses parents, il est apparu qu’il avait une mère célibataire qui ne pouvait pas s’offrir le trajet quotidien en train de Saint-Gall à notre Institut Paul Scherrer à Villigen et devait en outre aller au travail. C’est là que j’ai pris conscience pour la première fois du fait qu’ici en Suisse, les patients doivent payer les frais de déplacement de leur poche. Ce n’est pas le cas en Autriche d’où je suis originaire. Depuis, cette thématique m’a poursuivie et j’ai rencontré beaucoup d’autres cas similaires. Mais au-delà, nous avons voulu établir un aperçu systématique de l’ampleur et de l’impact de la charge financière pour nos patientes et patients. C’est ainsi qu’est née l’étude que nous avons pu achever l’année passée.

Qu’avez-vous découvert ?
Nous avons demandé à 90 patient-e-s adultes et aux parents de 56 patient-e-s mineur-e-s de remplir après le traitement un questionnaire pour relever les soucis financiers. Les questionnaires comportent douze affirmations par rapport auxquelles on peut se positionner sur une échelle de 0 (« pas du tout ») à 4 (« tout à fait »). Par exemple : « Je suis en mesure de régler mes dépenses mensuelles » ou « Je suis satisfait-e de ma situation financière ». Nous avons ensuite synthétisé les réponses sous forme d’un chiffre, un score, déterminé selon une méthode précise. Les personnes dont le score est faible sont dans une mauvaise situation financière. Dans notre étude, c’était le cas de près d’un quart des personnes interrogées. Il est également apparu que 43 % des personnes interrogées devaient piocher dans leurs économies. 37 % devaient se serrer la ceinture : par exemple dépenser moins pour les activités de loisir, c’est-à-dire qu’elles allaient moins souvent au restaurant ou au cinéma. Et 10 % ont dû emprunter de l’argent.

Avez-vous été surprise par le nombre de vos patient-e-s qui se retrouvent en difficulté financière ?
Oui, cela m’a surprise que tant de personnes doivent dépenser une partie de leurs économies, mais aussi qu’elles l’acceptent comme si cela allait de soi. En Suisse, les patient-e-s participent à leurs coûts de maladie par le montant de leur franchise et de la quote-part. Ce sont souvent plusieurs milliers de francs que nous n’avons même pas pris en compte dans notre étude, parce que nous nous sommes concentrés uniquement sur les coûts liés au traitement.

Quelles conclusions tirez-vous de vos résultats ?
Nos patient-e-s sont dans une situation très difficile : ils souffrent d’une maladie grave que nous pouvons traiter ici par la protonthérapie. Cette radiothérapie présente des avantages considérables, en particulier à long terme : les rayons détruisent les cellules cancéreuses, mais épargnent les tissus sains avoisinants. C’est particulièrement important chez les enfants et les adolescents qui sont encore en pleine croissance. Fort heureusement, les coûts du traitement sont pris en charge par les caisses-maladie pour certaines indications, mais tous les autres frais qui y sont liés restent à la charge des patient-e-s. Ce ne sont pas seulement les frais de déplacement, certaines personnes doivent manger à l’extérieur, prendre une chambre pour les six à sept semaines de traitement parce qu’elles ne peuvent pas faire tous les jours un trajet de plusieurs heures. De nombreuses familles doivent payer une personne qui va s’occuper des frères et sœurs de l’enfant malade. Toutes ces dépenses sont une charge, c’est pourquoi nombre de nos patientes et patients auraient besoin d’une allocation complémentaire. Ce n’est pas de leur faute s’ils ont cette maladie qui requiert une protonthérapie.

D’où cette allocation pourrait-elle venir ?
Nous avons créé un fond pour les cas de détresse, de manière à pouvoir soutenir les personnes qui en ont besoin. Par exemple, nous avons remarqué qu’un de nos patients dormait dans sa voiture. Vous vous rendez-compte ? Alors nous lui avons payé une chambre. Je suis très heureuse que nous ayons une équipe formidable au bureau de contact avec les patient-e-s, ces collègues s’occupent merveilleusement des patient-e-s et les aident par exemple à trouver un logement bon marché.

Dans votre rapport final, vous avez écrit que la charge financière peut être aussi toxique que la radiothérapie.
Le traitement du cancer a toujours une toxicité pour l’organisme, mais la plupart des patient-e-s s’en remettent rapidement. Mais la toxicité financière est source de désespoir, c’est ce que je trouve difficile et triste. Cela prive les familles de quelque chose dont elles pourraient se réjouir pour après le traitement. Par exemple, elles ne peuvent plus partir en vacances ou s’offrir un plaisir. Ce ne sont donc pas seulement les patient-e-s qui souffrent des effets secondaires financiers, mais toute la famille.