Les cellules tumorales réagissent aux hormones féminines – œstrogène, progestérone – et les interprètent comme des ordres. L’influence de ces deux hormones sur le tissu mammaire sain et la tumeur hormono-dépendante a fait l’objet de nombreuses études.
La testostérone : négligée dans la recherche sur le cancer du sein
La testostérone, en revanche, a été peu étudiée, en dépit de son rôle important chez l’homme comme chez la femme, en dépit aussi du développement des contraceptifs hormonaux et des traitements hormonaux substitutifs. Certains de ces traitements contiennent des progestatifs, c'est-à-dire des hormones naturelles ou synthétiques qui agissent dans l'organisme de la même manière que la progestérone produite par le corps. Certains progestatifs agissent de manière semblable à la testostérone, ou alors bloquent l'effet de la testostérone.
On utilise les progestatifs pour freiner la croissance de la muqueuse utérine due aux œstrogènes. Le sein étant aussi constitué de tissus hormono-dépendants, mais avec une réaction spécifique, différente de la muqueuse utérine, il s’avère indispensable de recourir à un examen approfondi pour déterminer l’impact des différents progestatifs sur le sein. Cela permettra d’évaluer les avantages des traitements par rapport au risque potentiel de cancer.
Testostérone et croissance cellulaire
Afin de mieux comprendre les interactions hormonales, l'équipe du professeur Cathrin Brisken, de l'École polytechnique fédérale de Lausanne, s’est penchée sur l’interaction entre différentes hormones – seules ou en combinaison – et les cellules mammaires. Cathrin Brixen a analysé le tissu sain et le tissu mammaire cancéreux positif aux récepteurs hormonaux.
Selon de premières conclusions, on constate que les cellules mammaires se développent fortement lorsqu'elles sont traitées simultanément à l'œstrogène, à la progestérone et à la testostérone – une différence significative ayant été observée avec les progestatifs synthétiques. D’autre part, un certain type de progestatifs, ayant un effet similaire à la testostérone, favorise la croissance cellulaire et l’agressivité des cellules, tant dans le tissu sain que modifié. En revanche, un progestatif anti-androgène (qui inhibe la testostérone) a un effet nettement moindre sur la croissance.
Il en découle que le type de progestatif utilisé joue un rôle significatif. Mais pour en être certain, des études complémentaires et observations dans la durée sont nécessaires.
Une recherche importante, pourquoi ?
Des millions de femmes utilisent des contraceptifs hormonaux ou des traitements hormonaux substitutifs. Les effets à long terme sur le tissu mammaire et le risque de cancer ne sont pas encore élucidés.
En l’état actuel des connaissances, il semble exister une corrélation entre testostérone et croissance cellulaire hormono-dépendante, en particulier en lien avec l'œstrogène et la progestérone. C'est notamment le cas pendant les phases du cycle menstruel où les trois hormones atteignent des niveaux élevés.
À long terme, le professeur Brisken et son équipe entendent approfondir la compréhension des fondements biologiques des influences hormonales. L'objectif est de permettre une utilisation plus ciblée des traitements hormonaux et une meilleure évaluation des risques, afin de protéger la santé de millions de femmes dans le monde.
Numéro du projet : KFS-5771-02-2023
Ce projet a été rendu possible par la Recherche suisse contre le cancer, en collaboration avec la Fondation Claudia von Schilling. |