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Elle refait couler la lymphe

En fait, elle n’avait pas projeté de devenir chirurgienne. Mais finalement, Elisabeth Artemis Kappos a trouvé sa vocation en salle d’opération. À présent, par une étude à l’échelle mondiale, elle veut prouver que des techniques de microchirurgie permettent d’améliorer la qualité de vie des survivantes au cancer du sein.

Elisabeth Kappos s’est spécialisée en procédés microchirurgicaux

L’époque où le cancer du sein était souvent mortel est fort heureusement révolue. « Dans la plupart des cas, le cancer du sein se soigne très bien de nos jours », dit Elisabeth Kappos, médecin cadre en chirurgie reconstructrice à l’Hôpital universitaire de Bâle. « Donc on se concentre plus sur d’autres aspects, », poursuit-elle : « il ne s’agit plus seulement de la survie pure et simple, mais de plus en plus souvent aussi de la qualité de vie après le traitement. »
 

Gonflement des tissus du bras

En tant que membre du Centre du sein de Bâle, Elisabeth Kappos est depuis des années en contact avec des survivantes au cancer du sein. C’est pourquoi elle a conscience de l’importance du problème appelé lymphœdème associé au cancer du sein. Il s’agit de gonflements des tissus dans les bras. Ils sont dus à des lésions des vaisseaux lymphatiques de l’aisselle après une opération ou une radiothérapie qui font que la lymphe ne circule plus correctement et s’accumule.

Ces gonflements sont souvent très désagréables, entravent la mobilité de l’épaule et peuvent causer des inflammations. Étant donné que le lymphœdème touche en moyenne une patiente sur cinq, il fait partie « des effets secondaires du traitement les plus sous-estimés et les plus pénibles », explique la spécialiste.

Grande dextérité

C’est dans le cadre de formations complémentaires spécialisées à l’Université de Toronto au Canada et à l’Hôpital universitaire de Bruxelles en Belgique qu’Elisabeth Kappos s’est formée à ces techniques qui requièrent une grande dextérité et une sensibilité aiguë aux structures ramifiées et fragiles de l’organisme. Au début de ses études de médecine, elle ne savait rien de son talent.

Mais pendant son année pratique, une bourse lui permit de découvrir les travaux à deux hôpitaux de renom aux États-Unis : au Duke Medical Center et à la Mount Sinai Medical School à New York, elle participa à la transplantation d’organes au sein de l’équipe de transplantation. « Cette période m’a beaucoup inspirée, on m’a énormément encouragée », raconte-t-elle. Elle trouva le travail en salle d’opération « motivant et très satisfaisant, parce qu’on peut souvent remédier directement aux problèmes et voir immédiatement le résultat de son travail. »

De retour en Suisse, elle travailla d’abord en chirurgie générale avant de se spécialiser en chirurgie de la main, puis en chirurgie reconstructrice et de trouver sa vocation dans la microchirurgie, « fine et non sanglante ». « J’y mets tout mon engagement, pas par devoir, mais parce que c’est pour moi un privilège de pouvoir faire ce travail. » Le fait de s’être imposée en tant que femme dans le domaine traditionnellement très masculin de la chirurgie et de pouvoir ainsi « dans le meilleur des cas, inspirer la prochaine génération de jeunes étudiantes en médecine, cela me donne des ailes », dit-elle.
 

Démontrer indubitablement l’efficacité

Les opérations de reconstruction des vaisseaux lymphatiques ne font pas partie du catalogue des prestations prises en charge par les caisses-maladie. Avant toute opération, il faut soumettre à la caisse-maladie une demande de prise en charge qui est souvent acceptée, mais parfois aussi refusée. En effet, il n’y a pas encore d’étude qui démontre indubitablement le bénéfice pour les patientes du procédé microchirurgical pour le traitement du lymphœdème associé au cancer du sein.

Tel est l’objectif de l’étude clinique développée par Elisabeth Kappos en coopération avec des survivantes au cancer du sein. Il est prévu d’inclure au cours des prochaines années 280 patientes de plus de 20 hôpitaux de Suisse, d’Europe, d’Amérique du Sud et des États-Unis.
 

Pertinence accrue par la participation des patientes

Le fait que des patientes aient été associées à la conception de l’étude rend celle-ci plus pertinente, dit la chercheuse. En effet, les survivantes au cancer lui ont non seulement fait comprendre ce qui était acceptable ou non, par

exemple en termes de fréquence des rendez-vous de suivi à l’hôpital. Elles l’ont aussi convaincue de choisir la qualité de vie comme principal point de comparaison (ce que l’on appelle le point final primaire d’une étude) : « Au début, je voulais choisir le volume du bras, car c’est un critère objectivement mesurable et sans équivoque », raconte Elisabeth Kappos. « Mais elles m’ont fait changer d’avis, car le critère décisif pour elles n’est pas que le bras soit moins gonflé et de combien de centimètres, mais qu’elles puissent mieux le bouger et aient moins de douleurs. »